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Et si tout était «onde-corpuscule», même l’univers lui-même?

Quand une loi de la physique est vérifiée par d’extrêmement nombreuses expériences, si une divergence apparaît c’est peut-être qu’il faut revoir les limites de la loi.
Ainsi, la relativité ne détruisit pas la mécanique classique de Newton, mais elle en ouvrait les portes vers des horizons plus lointains.
Ainsi va le progrès de la science, toujours plus loin, en distance, en profondeur, en précision…

Cette petite note concerne mon activité et mes idées de physicien à l’époque que je n’ai pu développer et corriger si nécessaire par la suite. Je cite tout cela de mémoire quelque 50 ans plus tard avec un langage volontairement vulgarisateur, donc imparfait. Or, la mémoire, celle de notre cerveau, n’est pas ce qu’il y a de plus fiable. Pire, frustré d’avoir interrompu ma recherche, j’ai même refusé de me tenir au courant des progrès dans ce domaine. Aujourd’hui, j’ai décidé de déterrer ce vieux souvenir, doux rêve lointain, mais enraciné dans mon âme, donc partie de mon être, car je crois à l'utilité du «brainstorming», et je crois que le questionnement et la curiosité sont les moteurs des chercheurs. Je leur laisse ce travail inachevé pour qu’ils s’en servent comme d’un tremplin pour rebondir ailleurs, toujours plus loin. Qu'ils excusent les flous, liés à l'usure du temps. Pire, les documents que j'avais conservés s'effacent eux-mêmes avec le temps, devenant peu à peu illisibles. Mais les traces doivent sûrement se retrouver, entre autres dans les universités japonaises, recherches dirigées par le Dr Suga et Dr Kaneko, mon très estimé chef de recherche.

Je débutai ma carrière en physique des particules au sein du BASJE (Bolivian Air Shower Joint Experiment) dirigée par des chercheurs japonais. C'était l'un des groupes de recherche de l’Observatoire de Physique Cosmique de l’Université supérieure de San Andrés (Universidad Mayor de San Andrés ou UMSA) de La Paz.

Notre laboratoire était à plus de 5200m d’altitude à Chacaltaya. Cet emplacement nous permettait, à cause de l’altitude, de sa proximité, de l’équateur et d’une ville facilitant les contacts, d’observer les «grandes cascades atmosphériques» (large air showers). À l’époque, c’était particulièrement intéressant pour étudier les particules élémentaires, car les accélérateurs de particules n’étaient pas encore capables de produire de telles énergies de collisions (c’était dans les années 70).

La montagne était parsemée de détecteurs Tcherenkov et toute l’électronique associée nous permettait de recenser les particules détectées afin d’évaluer la relation énergie et quantités de particules créées. À l’époque, alors que les physiciens en particules élémentaires hésitaient encore entre deux théories, celle des quarks et celle du bootstrap, les spécialistes en rayons cosmiques se disputaient entre les «boules de feu unique» et «les boules de feu multiples» («fireball»). Il faut dire aussi qu’à l’époque le célèbre physicien Richard Feynman avait lancé l’idée des partons, une théorie qui me séduisait et me poussa vers le chemin que j’allais vouloir ouvrir. Mme Chien-Shiung Wu fut aussi pour moi une lumière qui m’inspirait. Aujourd'hui, je regretterais de ne pas avoir eu comme maître Stephan Hawking, mais je n'étais déjà plus dans la course depuis longtemps.

Avec précisions et méticulosité, nous mesurions le nombre de particules cosmiques qui arrivaient à Chacaltaya. Nous utilisions des algorithmes basés sur calcul du hasard très poussé avec la méthode de Monte-Carlo. Comme il manquait d’informaticiens dans l’université pour mettre à jour nos programmes, et comme j’avais étudié l’Algol-60 à l’université de Grenoble avec son fondateur, je m’étais porté volontaire pour m’en occuper. À partir de ces mesures, nous prolongions la courbe obtenue par les mesures faites dans les accélérateurs.

Peu à peu, ces derniers nous rattrapaient et nous voyions avec horreur que leur courbe ne rejoignait pas la nôtre. Pourquoi cette divergence? Nous étions sûrs d’avoir tout fait comme il le fallait. La seule différence était dans l’emplacement et la vitesse de déplacement de la cible par rapport aux mesures.

Mes collègues étaient désappointés, mais, peut-être la candeur de la jeunesse imprégnée de solidarité avec le groupe, je me tournai vers la mécanique quantique pour y trouver une solution. Et ma première idée fut: «et si l’espace et le temps étaient eux aussi constitués de briques élémentaires…» Nous eûmes alors un problème de taille. Nous étudions à Chacaltaya les grandes cascades cosmiques. Normalement, les résultats que nous obtenions devaient être dans le prolongement des courbes obtenues avec les accélérateurs de particules moins puissants que ce que nous offrait l’Univers à 5200m d’altitude. Or, plus les accélérateurs montaient en puissance, plus les courbes de ces derniers s’écartaient de la nôtre. «Chercher l’erreur» comme qui dirait. Mes collègues étaient plus que troublés, et pourtant ils étaient sûrs de n’avoir commis aucune erreur, ni au niveau électronique ni en informatique, ni dans les détecteurs ni dans les blindages, nulle part. Alors, je me risquai à avancer une idée qui germait en moi.

La théorie de la relativité me donnait l’impression d’un trou noir en soi. En effet, l’impossibilité à dépasser la vitesse de la lumière, de manière asymptotique de surcroît, me semblait transformer notre Univers en une prison sans issues. D’autre part, des hypothèses comme celles concernant le tachyon pouvaient offrir une escapade. Mais, deux soucis apparaissaient. D’une part, la relativité s’avérait parfaitement fiable, d’autre part la flèche du temps semblerait dangereuse à tordre, un risque pour la causalité et l’entropie.

La relativité était pourtant née sans détruire la mécanique classique newtonienne. Pourquoi ne pouvait-il pas en être de même avec la relativité, pensai-je? L’idée serait donc d’enrichir la relativité en changeant «aux limites» les équations liées à la vitesse. Je décidai donc de repenser le concept. «Et si c’était notre vision des choses qui nous induisait en erreur?» pensai-je. En effet, pourquoi le point d’observation n’influerait-il pas sur la mesure d’une collision? Car c’était le seul point divergeant entre les expériences réalisées dans des collisionneurs et les rayons cosmiques. Mais, comment l’expliquer?

Le facteur de Lorentz permet de calculer la contraction de la longueur et la dilatation du temps d’un objet en mouvement. Il est donné par la formule 1/√(1-v²/c²). Or cette formule évoquait pour moi la trigonométrie. D’autre part, un physicien de particules élémentaires ne peut s’empêcher de voir des paquets d’ondes là, et qui dit «ondes» évoque la trigonométrie. Ces idées me poussèrent à imaginer quelque chose qui pourrait expliquer les écarts de nos observations à Chacaltaya sur des particules se déplaçant à une vitesse voisine de celle de la lumière.

Alors, comment voir les choses sous un autre angle tout en ne cassant pas l’existant ? Autre angle? L’idée folle me vint: «et si en fait il ne s’agissait pas de l’espace-temps, mais de l’espace-vitesse?» Pourquoi pas? Les notions de fonction d’onde et de dualité onde-corpuscule étaient intimement liées au travers de la notion de quantum de moment angulaire, la constante de Planck. Et les notions d’espace et de vitesse apparaissaient aussi dans les énoncés du principe d’indétermination de Heisenberg.

En même temps, une autre idée d’espace trottait dans ma tête: celui de l’espace des phases. En effet, qu’en serait-il si c’était tout l’univers que l’on représentait dans l’espace des phases? L’idée me vint alors d’essayer de représenter l’espace et ses dimensions sous cet angle. Mieux, chacun de ces univers pourrait exister en «parallèle». Comment s’y retrouver, alors ? Comment se déplacer de l’un à l’autre ? L’idée même me vint, chose que j’ai exploitée dans l’un de mes romans de SF, en imaginant un univers fractal dans lequel chaque particule contient en soi tout le reste de l’univers. Mais, là, c’est un autre sujet.

Pour en revenir à ma recherche. Je voulais toujours essayer de comprendre ce qui pouvait provoquer nos divergences de mesures. À partir du concept de l’espace des phases, j’imaginai une nouvelle vision de l’univers, une vision d’univers multiples. Dans cette soupe, il fallait tout de même s’assurer que l’on partage un même environnement et donc je voulus construire un univers basé sur trois dimensions principales: l’espace, la vitesse ou le temps, et la «Simultanéité». Toutes les particules interagissant entre elles se retrouveraient dans un plan de «simultanéité».

La question suivante serait dans ce cas: comment passer d’un plan à l’autre? Serait-ce en «franchissant» la vitesse de la lumière?

Au passage, puisque l’espace est représenté par trois axes, pourquoi pas aussi le temps (versus la vitesse)? Ce nouveau dimensionnement donnerait 7 axes.

Hélas, le destin m’obligea de changer de lieu de résidence pour des raisons de santé de Bernadette, et, ce que j’ignorais à l’époque, de changer de métier. J’essayai au début de continuer mes recherches en utilisant les moyens informatiques du centre de calcul de l’université de Santa Cruz de la Sierra. Puis, pour arrondir les fins de mois de prof, j’acceptai de rejoindre l’équipe d’informaticiens de ce centre de calcul. Je venais définitivement de mettre le petit doigt dans l’engrenage de l’informatique.

Mon rêve est fini. Heureusement, je n’étais qu’une goutte d’eau dans l’océan ou un simple polype d’un récif corallien, car d’autres chercheurs en physique poursuivent ce même rêve. Il existe même un petit article dans Wikipedia, une ébauche qui, je l’espère, ne le restera pas: Relativité doublement restreinte. Cet article cite notemment:

L'observation des rayons cosmiques de très haute énergie semblent violer la limite de Greisen-Zatsepin-Kuzmin. Si cette violation est vérifiée, cela pourrait remettre en cause la relativité restreinte sous sa forme actuelle.

Parfois, je parsème ce vieux rêve dans mes romans, et en particulier le dernier de la Saga de Hôdo: Les champs de signes.

Parfois, je parsème ce vieux rêve dans mes romans, et en le dernier de la Saga de Hôdo: Les champs de signes.
Serge Jadot
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