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Essais
«Mécanique neuronale»

Le monde des neurones vu sous le regard de l’informatique et de la mécanique quantique.
Peut-être une vue sur les cerveaux intelligents artificiels du futur.
«À tout moment, nous faisons face à une nouvelle situation. En fait, la vérité est beaucoup plus complexe que cela. La vérité est que, à tout moment, nous faisons face en même temps à un nombre indéfini de situations superposées et entremêlées […] Bref, nous ne nous trouvons pas du tout face à une situation, loin de là, mais à une multitude foisonnante de situations mal définies et se chevauchant, dont aucune n’a de cadre précis, ni dans l’espace ni dans le temps. Notre pauvre cerveau assiégé est continuellement aux prises avec ce chaos imprévisible; il est toujours en train d’essayer d’interpréter ce qui l’entoure et l’envahit, de gré ou de force…»
(extrait de http://www.blog-lecerveau.org/)

Table des matières

  1. Préambule
  2. L’intelligence, pour quoi?
  3. Où commence l’intelligence?
  4. Mémoires
    1. Programmation en couches
    2. La pyramide inversée
    3. En même temps!
    4. La chaîne de commandement
    5. Non!
    6. Le pari de l’interpolation
    7. La pondération
    8. Souvenirs
    9. Éducation et enseignement
    10. L’entraînement
    11. Gérer la priorité des interruptions
    12. Comparer des expériences
    13. Un cinéma dans le cerveau
    14. Les rythmes musicaux
  5. La conscience

Préambule

H. Laborit est l’étincelle qui donna naissance à un projet humaniste baptisé «le projet Hôdo» grâce au film de «Mon oncle d’Amérique» réalisé par Alain Resnais. L’idée était de comprendre l’intelligence comme moteur de vie en dehors de tout préjugé philosophique, politique, religieux. En comprendre les mécanismes devrait permettre un mieux-être, et par conséquent de vivre mieux ensemble.

Cet essai tente d’observer avec le regard d’un physicien et d’un informaticien le monde tel qu’il semble l’avoir compris à l’instant de cette écriture. C’est un essai, un ensemble d’hypothèses sans vouloir se substituer au travail des chercheurs en neurologie, cybernétique, etc. En un mot, cette page est du brainstorming (en français comme suggère nos amis québécois: remue-méninges).

Pour ceux qui cherchent à mieux comprendre cette merveille qu’est le cerveau, ce site d’ailleurs recommande fortement le très pédagogique site canadien: «le cerveau à tous les niveaux».

La Science n’est pas une vérité figée, mais elle a ses rigueurs méthodologiques qui imposent au scientifique une certaine forme d’honnêteté dans l’établissement d’une théorie. L’adhésion à une théorie est toujours corroborée par la vérifiabilité qui doit être accessible à tout un chacun et identique en tout lieu et en tout temps. C’est cet état d’esprit, école d’humilité, qui est une condition indispensable pour commencer à écouter et respecter l’autre, car chacun d’entre nous est porteur de bribes de vérité. Sans jugement moral, sans bannières religieuses, philosophiques ou politiques, c’est une simple attitude qui permet d’aller de l’avant. La Connaissance n’est qu’une pyramide construite par des chercheurs qui se font la courte échelle, et dont même les erreurs sont source de savoir et de progrès.

Il ne s’agit pas non plus dans cet essai de faire un étalage de vulgarisation pour le plaisir, même s’il y avait de quoi tant ce monde est merveilleux. C’est une réflexion pour tenter de mieux comprendre le pourquoi intime des comportements humains, en quelque sorte une «épistémologie du cerveau». Savoir comment on tombe et comment on flotte permet à l’être rampant que nous sommes de voler. Le savoir nous apporte des libertés, n’en déplaise à ceux qui préfèrent limiter nos informations pour formater notre pensée afin de ne pas altérer les certitudes de leur confort. Dans cette optique, cet essai se proposera à montrer des relations possibles entre les mécanismes biologiques au niveau cellulaire et le comportement social au même titre que la compréhension de l’agitation des particules et des molécules permet de mieux conforter la thermodynamique classique.

L’intelligence, pour quoi?

On pourrait croire que l’intelligence est «le programme qui maintient l’ordinateur en fonction». C’est sûrement l’une des tâches de l’intelligence, celle de maintenir son porteur en vie avec les ressources disponibles. Pour cela, elle va appliquer l’une des règles incontournables de l’Univers qui consiste à ne pas dépenser plus d’énergie que celle que l’on peut acquérir. Cela impliquera d’améliorer le rendement sans s’endetter (nous sommes très loin des crédits financiers et probablement du pillage anti-écologique de la planète). Et cela est l’une des préoccupations majeures de l’intelligence: satisfaire ses besoins sans trop souffrir.

Cette créativité nous grandit. Pourtant, comment dépasser la causalité qui semble nous prédéterminer tels des automates? Comment répondre à cette question persistante: dans toutes ces lois de la Nature, où se trouvent notre liberté d’action et notre libre pensée? Est-ce que cette question est elle-même logiquement commandée par nos mécanismes internes? Peut-être est-ce la raison de ces envies tenaces de toujours repousser l’ombre de l’ignorance quitte à en souffrir.

Si l’intelligence est faite pour choisir, est-ce que ce choix est libre? Est-ce que la réponse se trouve dans le chaos, l’indétermination ou l’incertitude? Et si au bout du compte, notre conscience était une interface entre la mystérieuse liberté et l’implacable causalité?

Peut-être que pour y arriver, la tâche de l’Humanité est de créer de l’intelligence et de la synergie. Mais pour cela, il faut commencer par comprendre pourquoi nous travaillons par défaut sur certains registres. Il faudrait sans doute apprendre à n’être ni fiers ni honteux de ce que nous sommes naturellement, car nous n’avons pas demandé d’être ce qu’on est et de le savoir. C’est par là que nous apprendrons comment se servir utilement de ce que chacun individuellement et collectivement est capable de créer.

Finalement, comprendre l’intelligence doit permettre de mieux comprendre non seulement comment vivre, mais aussi pourquoi vivre, voire pourquoi exister. Il y aura toujours, dans notre quête, un «Dernier Pourquoi», sans réponse. Ou faudrait-il dire «Pour quoi»?

Où commence l’intelligence?

Les cristaux et les chaînes moléculaires complexes s’assemblent avec le matériel trouvé là où ils se trouvent. La vie, elle, va chercher ses ressources, utilisant les mêmes principes de base des particules qui la composent: jeux de forces d’attractions et de répulsions.

Les entités vivantes les plus simples comme la paramécie, le mycélium, la limace avancent en s’alimentant et fuient un milieu néfaste, quelle que soit la méthode choisie: reculer, s’effacer, contourner l’obstacle ou fuir en avant. Actions que ne savent pas faire a priori les virus qui profitent néanmoins des êtres vivants plus complexes et savent faire ce que tout être vivant sait faire: se muter pour tenter une nouvelle aventure, certes, fort probablement au hasard. Pur hasard? Comment expliquer alors les mutations dont les transitions semblent peu ou pas viables comme respirer hors de l’eau ou avoir des ailes pour voler?

La trajectoire de ces «vivants» suivra toujours le principe de la «moindre action», ce qui peut conduire aveuglément dans un puits inerte, un piège fatal. Pour éviter cet écueil, il faut pouvoir «voir» au-delà. Or, la connaissance du futur étant impossible, il faut deviner l’avenir, ce qui peut se faire en projetant une solution par extrapolation à partir de séquences d’évènements comparables connues, et donc appartenant au passé. Cela impose au préalable de se remémorer ces expériences déjà effectuées et par comparaison entre les prémisses des situations déduire un déroulement probable.

Il faudra parfois reprendre le problème à l’envers comme pour la poule, qui devrait se souvenir du chemin à emprunter pour repasser par le trou du grillage qui la ramènera à l’intérieur du poulailler. Mais, plus souvent, les indices mémorisés et comparables seront tellement épars, que le choix devient risqué. Pire, chaque nouvelle découverte risque d’apporter son lot de solutions utiles dans l’immédiat, mais aussi celui d’inconvénients imprévus. C’est toute l’aventure de l’intelligence.

Mais cette intelligence n’a été fabriquée qu’avec de simples briques, des cellules un peu particulières qui ne font qu’une chose: propager un signal électrique. Comment une structure relativement simple comme un neurone pourrait-elle fabriquer de l’intelligence?

Mémoires

L’une des premières fonctions de l’intelligence est de mémoriser, car sans mémoire il n’est pas possible de répéter des séquences ou de faire des comparaisons. Il va falloir mémoriser, non seulement des concepts complexes, mais aussi tous les signaux qui vont contribuer à cette connaissance. Il ne peut se souvenir d’un livre que s’il se souvient des mots et de leurs agencements pour comprendre les phrases; il arrive à déchiffrer le texte qu’après avoir assimilé l’alphabet; et finalement, il ne donne un sens aux tracés qu’après avoir catégorisé les traits, ces derniers étant une juxtaposition de bâtonnets ou de cônes dans la rétine… Il en est de même avec les discours. Cette mémoire permettra d’entendre dans sa tête la lecture du livre ou les échanges avec les autres être doués de «paroles». Le travail de décodage commence très tôt, en commençant par distinguer à la fois les fréquences acoustiques, mais aussi leur volume et la périodicité de la variation de ce dernier. Un travail merveilleux d’intelligence innée! Toutes ces briques élémentaires vont être stockées pour accélérer le processus de décodage.

Comment mémoriser? Cela se fait en changeant les caractéristiques d’un support de telle manière que la différence par rapport aux valeurs moyennes statistiquement attendues soit significative. Cela peut se faire par différentes techniques de gravure (reliefs, microsillons, bulles…), dépôts de matériaux (peinture, écriture…), et autres techniques électriques, chimiques, magnétiques… Une mémoire étant dans un état «non normal» aura tendance à s’altérer plus ou moins rapidement pour revenir à un état «normal»; il est donc souvent nécessaire de la protéger, voire de la restaurer périodiquement. Enfin, une mémoire sert surtout à être relue plus tard. Or cette relecture doit altérer le moins possible la mémoire, ou, en tout cas, la rafraîchir à chaque «consultations». Et finalement, la mémoire qui sert surtout à être relue plus tard, devra l’être par un lecteur adapté, capable de détecter d’éventuelles altérations et, si possible, en déduire les corrections qu’il faudra apporter à l’information. Tout un travail de maintenance et d’administration de système… un domaine connu dans le monde de l’informatique.

Programmation en couches

Il est inutile, voire préjudiciable, de se remémorer à chaque fois tous les détails qui ont contribué à l’apprentissage et à l’exécution de chaque rouage d’une action. L’acteur qui joue une pièce ne se rappelle pas chaque lettre de son texte et ne décortique pas chaque muscle de son jeu. De même, l’utilisateur final d’un outil informatique peut tout ignorer du déroulement du code binaire qui pilote chacune de ses commandes.

Il faut donc une gestion des mémoires qui doivent hiérarchiser l’importance du souvenir et ne pas se noyer dans les détails qui descendent très bas dans la perception des évènements et dans l’exécution des commandes. Cela implique deux formes de simplification, l’une en aval, la détection, et l’autre en amont, l’action. Ce qui se fera respectivement au moyen de gabarits et d’automatismes.

Lorsque l’enfant apprend ses premiers mots, il ne détecte pas les syllabes, les voyelles, les notes, mais seulement un «bruit» qui correspond à une situation. Le cerveau va en quelque sorte préparer un gabarit dans lequel les prochains «paquets de bruits» qui auront une structure compatible seront reconnus comme des messages identiques.

Quand on marche, on ne pense pas à chaque muscle mis en mouvement, chaque ordre nerveux, chaque analyse des récepteurs d’équilibre, etc. Y réfléchir, c’est la meilleure manière de ne pas avancer, voire de trébucher et de tomber. La mise en place d’automatismes, peut-être «aidée» par l’héritage génétique pour les premiers pas en permettant de lancer des cycles d’actions rapidement, fluidement, pour répondre à un besoin. Il en est de même dans de nombreux domaines: le conducteur doit connaître le Code de la route, mais pas nécessairement le fonctionnement du moteur, des roues… C’est exactement le même processus qu’en informatique qui doit pouvoir offrir des progiciels prêts à l’emploi sans que l’usager ait la moindre notion du système opérateur, du matériel à piloter et des signaux électriques qui s’échangent entre eux.

Néanmoins, le cerveau avec sa structure composée de neurones et toutes les ramifications nerveuses qui sillonnent l’organisme a en quelque sorte «conscience» de l’ensemble, même si la «conscience» l’ignore. Toute une partie de cette mémorisation d’automatismes, de réflexes, de conditionnements, non seulement reste de toute manière accessible, mais il est même parfois profitable d’y fouiller pour améliorer l’«inné».

Cette amélioration est par exemple couramment proposée dans les entraînements sportifs qui corrigent les défauts d’action ou de maintien spontanément acquis par l’autoapprentissage. Pour cette raison et bien d’autres: orthophonie, comportement en société, reconquête post-traumatique… il est bénéfique de pouvoir corriger un acquis inconscient qui a, certes, merveilleusement bien travaillé en son temps, mais qui ignorait certaines implications hors de son champ de perception et d’application. En ce sens, la psychothérapie des profondeurs est presque une œuvre de santé publique… pas assez reconnue dans cette optique.

En effet, le problème de l’apprentissage sur le tas, ce que nous faisons tous sans le savoir quotidiennement, a précisément cette compétence d’extrapolation des relations de cause à effet. Mais par la même occasion, elle crée en quelque sorte des raccourcis qui passent sous silence toutes les fonctions, tous les savoirs jugés inutiles pour aller de l’avant vers un futur toujours incertain, mais qu’il faut anticiper pour éviter les menaces et s’orienter vers ce qui est gratifiant. Et cela concerne toutes les strates de l’apprentissage du vivant, du virus jusqu’aux sociétés.

L’extrapolation et la simplification ne sont jamais vérité absolue. Mais ce sont des outils indispensables pour «deviner» et «appréhender». Connaître ces mécanismes c’est déjà commencer à les maîtriser de manière consciente, savoir vivre avec sans les subir aveuglément. Il faut par exemple comprendre que ce mécanisme est spontanément mis en place dans les amalgames, tant décriés, certes trop souvent à juste titre, mais en oubliant qu’il ne s’agit pas là ni d’une tare ni d’une malveillance systématique, mais d’un traitement normal de l’information. Par contre, ce sera l’une des missions principales de l’éducation que d’apprendre les limites de toutes les «véracités». Et pour cela, il est peut-être utile de se poser la question: comment s’opère dans le cerveau une telle synthèse pour ne garder visible que l’essentiel?

L’information dans le cerveau semble circuler de manière «arborescente» de prime abord. Elle est issue des sens et est diffusée vers les zones concernées en passant par une suite de neurones qui vont emmagasiner les concomitances significatives. C’est ce dernier tri qui va probablement négliger toutes les informations trop hasardeuses donc non prédictives, l’une des missions principales de l’intelligence étant de prévoir.

Cette simplification va aussi permettre une classification. Dans sa fonction élémentaire, cette catégorisation devrait permettre de ranger séparément les évènements néfastes ou vitaux. Or, la catégorisation consiste à mettre dans un ensemble mathématique les éléments ayant des caractéristiques identiques servant de «définitions» du dit ensemble. Ce «paquet» de connaissances est construit par des évènements qui n’ont peut-être pas de réelles corrélations. Ainsi, la relation de cause à effet interprétée par le cerveau n’est donc pas nécessairement «scientifiquement» valable, et c’est ce qui le conduit à croire qu’en passant sous une échelle qu’un malheur est vite arrivé. Par contre, les faisceaux de coïncidences qui se répètent appartiennent peut-être d’ailleurs à un même environnement, parce qu’ils ont bien quelque part une même cause originelle.

Dans les couches profondes, le cerveau sait probablement le pourquoi et le comment du sourire, et à la surface de la conscience, la courbe tracée dans une émoticône suffit pour indiquer un visage content. Entre les deux, il faut un talent d’artiste ou le savoir de chirurgien pour voir et comprendre ce sourire.

La pyramide inversée

L’apprentissage en couche qui va des capteurs de l’organisme jusqu’aux niveaux «supérieurs» de l’intelligence est stimulé par le monde extérieur qui répète certaines séquences de briques de connaissances déjà acquises précédemment.

Cette mémorisation de matrice qui s’enrichit de proche en proche ressemble à un empilement de connaissances nouvelles sur des anciennes, donnant un peu l’allure de brique se superposant sur ce qui est la base minimum de départ. Cette base jouerait un peu la séquence de démarrage d’un ordinateur qui se lance au «boot» et va chercher les données indispensables à son activité, avant de s’enrichir de nouvelles données venant de l’extérieur, dont de nouvelles fonctions ou améliorations.

Le cerveau s’enrichit très rapidement grâce à ses qualités de mimétisme, surtout au départ de la vie où il n’existe pas encore de protocoles de communication. C’est d’ailleurs à ce moment-là que s’installent les premières briques de communication.

Mais par la suite, ne pouvant tout expérimenter par soi-même, il lui faudra faire confiance à la véracité des informations fournies par autrui: d’où la notion de loyauté et de confiance. Mais, il ne faut pas non plus croire que ces sources sont des éléments de la Vérité définitive et absolue ni, non plus, condamner ceux qui ont cru à ce qui semblait vrai à un moment donné. Ainsi (un exemple neutre, hors politique, philosophie, religion…), quand on fait référence aux trois cerveaux1 en s’inspirant de l’œuvre de Henri Laborit, on n’est pas nécessairement ni ignare ni malhonnête. Quant au savant, inspiré lui-même par d’autres savants, sources de l’erreur, n’était ni un charlatan ni un incompétent. Mais les connaisseurs en la matière en sont arrivés à se dire: on s’est trompé, le modèle a beau être intéressant, il n’est pas corroboré par l’expérimentation, voire au contraire, réfutée. Telle est la qualité essentielle de l’esprit scientifique et du libre penseur qui s’inspire de la méthode scientifique. Ce travail de conforter des théories peut durer des années, souvent plus qu’une vie. Un Henri Laborit n’aurait pas eu le temps de corriger ses écrits, et ses lecteurs, pour peu qu’ils ne soient pas au courant des progrès de la science, encore moins… La vérité est plus un long chemin qu’un terminus, et l’intelligence doit sans cesse se remettre en cause.

D’ailleurs, la prudence s’impose toujours, car même l’expérience est souvent, très souvent, interprétée au travers des divers patrons qu’aura créés le cerveau dans sa prime enfance. Il ne faut pas non plus à notre avis censurer la critique, le questionnement, la recherche même si ces dernières sont choquantes dans certains modus vivendi. La recherche ne détient pas la vérité et donc on ne doit pas la confondre avec une pensée rigide, au contraire. Par contre, la censure impose toujours une vérité, la sienne, évidemment, et cela est toujours suspect.

La structure pyramidale inversée aurait pu s’appeler structure arborescente, mais la première représente mieux la quasi-impossibilité à altérer la pointe qui sert de base. Il est impossible de la toucher sans effondrer tout l’édifice cognitif. Pratiquement, on pourrait dire pour imager cette complexité que la pointe de la pyramide est composée des lois peu nombreuses de la physique. Mais en haut se trouve une montagne de formules que doit maîtriser l’ingénieur chargé de trouver une solution pour mener à bien un projet. Il peut être facile de modifier la surface supérieure, pas la base sans risque de tout remettre en question…

La complexité du flux de «pensées» dans le cerveau est si complexe qu’il pourrait être un système chaotique au sens physico-mathématique du terme. Cette notion de «système chaotique» est pourtant née à partir de questionnements par exemple sur la prévisibilité des mouvements des planètes, ou plus simplement encore, du mouvement de trois corps. Astronomie et physique sont pourtant une science communément admise comme «fiable» à 100%. Notre pensée aussi a ses trajectoires que de grands «astronomes» du cerveau, comme les psychologues, ont découvertes sans avoir attendu l’apparition d’un «Newton». Créer une solution à partir d’expériences répétées est précisément aussi du ressort de l’intelligence. Cela permettra de créer des «patrons» à partir des informations captées par les faisceaux de neurones comme le feraient des cours d’eau modelant un terrain vierge et plat. Et finalement, le patron va se comporter comme un gabarit filtrant. Ce phénomène est connu lors de l’apprentissage d’une langue étrangère, où certains sons, certains mots sont très difficilement assimilables par le cerveau.

En même temps!

En même temps, l’acquisition d’information est si multiple, que celle-ci doit être traitée sous forme pyramidale de bas en haut, ou racinaire pour conserver l’analogie avec l’arbre. À noter au passage, dans cette analogie, que les racines se développent souvent sous la surface, un peu comme le subconscient…

Au plus bas niveau, l’analyse spectrale du bruit et de la lumière, ne détecte que des fréquences qui, déclenchées ou non «en même temps», permettent de mesurer des répétitions, des rythmes, des glissements… En même temps, les différents nerfs sensitifs, olfactifs, etc. évaluent l’environnement immédiat. C’est dans cette soupe de signaux que commence le travail des neurones. Tout ce bruit ne peut monter à la conscience sans un tri, une classification, qui va assigner à chaque cooccurrence un sens. L’association de plusieurs fréquences va être interprétée comme un phonème, puis comme un mot, et ainsi de suite… la concordance de plusieurs «points» dans la rétine donnera la notion de ligne, de courbe, de lettre… Les exemples de ces pyramides de significations de plus en plus complexes sont nombreux. À des niveaux de complexités plus élevés, il y aura la juxtaposition de message émis en «même temps» qu’une voix: la forme de la bouche, le regard, la gestuelle. L’ensemble constituera un «paquet», une nouvelle pyramide, en ajoutant de l’interprétation ressentie au dire de l’autre, alors que les mêmes mots utilisés dans d’autres situations risquent de donner un autre ressenti.

Que se passe-t-il après les premiers neurones «frontaux» qui ont reçu le signal, car il ne suffit pas de détecter quelque chose: il faut l’exploiter, sinon la détection, puis la mémorisation ne servent à rien et il ne peut y avoir d’intelligence.

Tout d’abord, pourquoi y aurait-il une différence de «fabrication» entre ces neurones interfacés aux sens et ceux qui contribuent à la mémoire puis à l’action? Tous ont peut-être le même modèle minimum: stocker une «brique» d’information et la propager aux autres neurones de la chaîne, laquelle peut contenir des neurones qui renvoient une partie de l’information propagée provoquant ainsi une éventuelle rétroaction très utile en cybernétique pour renforcer ou inhiber un comportement. Les variantes des neurones seront adaptées topologiquement au milieu: longs faisceaux de nerfs, plexus nerveux… mais leur fonctionnement reste similaire: recueillir des signaux et transmettre un nouveau signal résultant.

En dehors des évènements qui détruisent une partie des capteurs ou du cerveau et ne peuvent ou ne doivent pas se répéter, tout semble être répétitions, oscillations, ondes dans la perception de l’environnement: les très courtes fréquences comme celles de la lumière qui excite la rétine, celles des fréquences sonores offrant de larges spectres à analyser, les journées, les saisons… Il existe en électronique des circuits qui permettent de diviser la fréquence. On pourrait obtenir le même phénomène si le premier neurone récepteur passait dans un état «excité», plus précisément «chargé», mais insuffisamment pour exciter le ou les suivants. Cela se passerait comme si la crête de l’onde stockait de l’énergie dans le neurone, mais qu’il fallait plusieurs crêtes pour le charger et le forcer à transporter son énergie excédentaire dans les neurones suivants de la chaîne. C’est un mécanisme simple qui ne requiert pas une spécialisation particulière de la cellule.

À quoi servirait un tel comportement des neurones qui ne se contenterait pas de transmettre tout simplement un signal d’un point à l’autre de l’organisme? Il permettrait d’évaluer les durées et les rythmes («rythme» pour distinguer du terme «fréquence» plus adapté aux «ondes pures»). Un pic sonore unique d’une note ne permettrait pas de percevoir l’existence même de ce son. Il faut au cerveau un train d’ondes pour l’extraire du bruit et y «voir» quelque chose. Ce tri est d’ailleurs fait au préalable par la rétine et l’oreille interne de telle sorte que les neurones directement interfacés avec les sens reçoivent un signal «utile». À partir de cet instant, les chaînes de neurones peuvent mesurer les durées des signaux perçus. Ce système de démultiplication de fréquence, s’il était seulement de multiplier par 2 la période à chaque passage de témoin au neurone suivant, ne nécessiterait qu’une chaîne de 10 neurones pour mesurer une durée mille fois plus longue. Si ces maillons étaient de l’ordre de 10µm, une chaîne de 1mm de long permettrait de mesurer des durées un million de fois supérieures, autrement dit, une période d’une seconde à l’entrée correspondrait à une dizaine de jours à l’autre bout. «Ratatinnée» dans un cube, cette chaîne ne ferait qu’une centaine de microns. On peut déjà penser qu’avec un tel modèle de décorticage des fréquences, la mémoire est probablement en relation avec la longueur des chaînes de neurones et donc le poids du cerveau. Un éléphant aurait donc logiquement plus de mémoire qu’une fourmi.

On pourrait donc résumer que les actions de base d’un neurone sont d’emmagasiner une certaine quantité d’énergie reçue pour la redistribuer lorsqu’un seuil a été dépassé. Cela a deux conséquences: la possibilité de mesurer des durées, mais aussi, celle de produire un effet en s’associant à d’autres événements concourants. Cette dernière opération participe à l’«intelligence».

La chaîne de commandement

Le but du cerveau est d’assurer la survie de l’organisme dont il fait partie. Il doit inciter l’entité qu’il pilote à éviter ce qui est nocif et profiter de ce qui lui est favorable. Donc ses neurones devront actionner toute une série de manettes pour cela. Une piqûre va propager l’information puis l’ordre au travers d’une chaîne de commandement plus ou moins longue, avec des délégations intermédiaires éventuelles, pour manœuvrer les différents muscles qui réagiront contre l’«agression». À ce stade, seule une simple «programmation» est nécessaire pour obtenir le comportement «prévu». Mais, quand, comment et pourquoi cela devient de l’intelligence? Nous ne sommes pas capables de définir ce qu’est l’intelligence, pas plus que ce qu’est la matière dont nous ne connaissons que des briques la constituant, mais pas la «matière» en soi, et ne parlons pas de l’énergie, de l’espace, du temps… Pourtant, si l’essence de l’intelligence nous échappe, il n’est pas vain et présomptueux d’en étudier les briques pour mieux la comprendre, comme ceux qui étudient les briques de l’Univers. Mieux le comprendre, c’est peut-être le fol espoir de mieux comprendre aussi l’Humanité pour lui trouver une existence plus harmonieusement efficace hors des sempiternels axiomes des «Vérités» qui n’ont qu’un but: «dominer».

La réaction minimum d’une chaîne de commandement neuronale va donc avoir pour mission d’écarter ce qui est dommageable ou de profiter de ce qui sert à la croissance. Dans tous les cas de figure, même pour une machine sans «intelligence», il faut avant tout éviter sa destruction, sans quoi l’accomplissement de ce pour quoi elle a été créée est compromis. Au minimum, l’action entamée va provoquer une alerte imposant de changer l’action en cours. Il faut remarquer au passage que nos émotions associées au danger sont plus nombreuses que celles associées au plaisir. Imaginons une limace particulièrement simplifiée.

  1. Elle capte les signaux «significatifs» de son environnement tout en avançant et en mangeant.
  2. Elle reçoit une alerte: sa nourriture la fait souffrir (toxique par exemple).
  3. Elle arrête immédiatement l’action de manger et change de lieu (pendant combien de temps?).

Si la limace est dotée de mémoire, c’est-à-dire qu’elle dispose d’un système décrit plus haut qui temporise le transfert d’information, elle peut mémoriser certains signaux de l’environnement concomitant avec le danger. Cela lui permettra de développer une logique de causalité, mais faite «au petit bonheur». En effet quels sont les signaux qui auront été enregistrés lors de l’alerte? C’est comme dans les sciences expérimentales, la répétition qui va conforter les relations des coïncidences. Cela se traduit dans notre schéma par la nécessité de garder une certaine distance par rapport à la source. Dans l’exemple, le comportement «sage» de l’intelligence consiste à prendre du recul, ce que la simple paramécie applique déjà.

Schématiquement, un neurone ne transmet un signal vers le reste que s’il a assez d’énergie pour le faire, et sans le modèle linéaire simplifié à dessein, cette énergie provient du neurone précédent. Mais, ce neurone pourrait très bien recevoir une information-énergie aussi en provenance d’une autre chaîne, ce qui augmenterait l’énergie de transfert d’information. On pourrait avoir la situation suivante:

Que ferait cette chaîne créée par la confluence de deux flux d’information? Elle aurait deux fonctions: déclencher une action d’évitement du danger et mémoriser le couple A+B pour prévenir et améliorer la défense.

On peut supposer sans grand risque d’erreur que les actions les plus urgentes sont préprogrammées et ne dépendent pas ou plus de la supervision de l’intelligence. Il n’en reste pas moins que l’une des compétences de l’intelligence est celle de pouvoir comparer des choix et ensuite de les anticiper. C’est l’apprentissage. Cela ne peut donc se baser que sur la mémoire qui serait enrichie par le stockage des «informations-durées-périodicités». En quelque sorte, il devrait être capable de comparer les résultats d’autres «coïncidences» comme «détection de lumière rouge+souffrance détectée» ou «détection d’acide+vitalité détectée», etc.

En effet, que se passe-t-il si la détection d’acide de notre exemple n’est pas associée à une souffrance dans d’autres circonstances? C’est la répétition qui devrait pondérer les choix. Or le système décrit ici analyse précisément les répétitions, leurs fréquences et leurs durées.

Ce système linéaire simple doit s’enrichir d’autres mécanismes pour répondre à d’autres questions. Pendant combien de temps la limace de l’exemple fuira-t-elle le milieu nocif? Comment pondérer un choix? Comment effacer ou inhiber une longue répétition (bruit constant, environnement neutre)? Comment un neurone peut-il dire «Non!»? Et de là, comment créer une nouvelle acquisition?

Tout d’abord, avant de résoudre ces problèmes, il faut s’assurer que l’information acquise ne doit pas se disperser, sinon il n’y a plus de programmes possibles. Pour éviter que l’information ne parte dans tous les sens, le neurone doit se comporter comme une diode. C’est précisément ce qui se passe: le signal va des dendrites vers l’axone. Ainsi le début de la chaîne C qui prolonge l’axone est le résultat de la récolte des informations issues de A et de B au niveau des dendrites.

Mais a priori, il n’y a pas de différence entre dendrites, donc les signaux en entrée devraient avoir tendance à se combiner par addition. C’est insuffisant comme opération logique, et, pour pouvoir installer une «logique neuronale», il faudrait trouver d’autres mécanismes pour alimenter intelligemment la chaîne de commandement.

Si l’information s’arrêtait là, à A+B→C et devait être réamorcée à chaque fois, la limace recevrait l’ordre de faire un bond en avant sans manger en cours de route, puis se remet à manger, détecte à nouveau un danger, fuit à nouveau en avant… À la vitesse des rebonds de la limace, on peut imaginer qu’elle risque de mourir empoisonnée, car elle pourrait rester trop longtemps dans la zone dangereuse qu’elle testerait en permanence à chaque ingestion. Il faut donc entretenir l’ordre de fuite sans manger ni tester en même temps. Un pari sur l’avenir! Cela fait partie de la chaîne de commandement.

Il faut donc cesser de donner l’ordre de manger tant qu’il y a fuite qui n’est chez la limace modélisée qu’une marche dont l’ordre reste entretenu pendant un «certain» temps. Cela peut devenir un programme! En effet, il y a la notion de «tant que P est vrai, faire Q» ou «dès que P est faux, il faut arrêter de faire Q». Dans notre cas, l’instruction devra être «tant que A+B→C est vrai, ne pas manger».

Ne serait-ce pas plus facile et prudent d’exécuter les séquences «dès que A+B→C est vrai, ne pas manger» et ensuite «dès que A+B→C est faux, se remettre à manger»?

Cette programmation pourrait mettre à profit le principe de la mesure des durées vu précédemment. Ainsi, la limace avancerait d’un pas, puis détecterait l’acide et la douleur. Au cycle suivant, la limace ferait deux pas avant de s’alimenter et d’analyser la présence de toxique. Puis, si le danger persiste, elle ferait quatre pas, puis, huit, seize, etc., doublant le nombre de pas à chaque fois que A+B→C reste vrai. Bien sûr, au départ, la douleur sera fréquente, mais le besoin de s’éloigner du danger va augmenter de manière exponentielle, et très rapidement la limace se sera éloignée de la source de désagrément… sauf évidemment si elle est trop étendue et qu’elle fuit dans la mauvaise direction. Un autre sujet à analyser.

On peut imaginer qu’une action exécutée en permanence tout au long de la vie du système est alimentée par un apport constant d’énergie fourni par une sorte de soupe contenant toutes les ressources nécessaires à son entretien.

Mais que se passe-t-il si en cours de route, il n’y a plus d’acide, mais que la douleur à l’ingestion persiste? Ou l’inverse, si la douleur a disparu alors qu’il y a toujours de l’acide sur la route?

Il ne faut pas que l’opération «A+B» se transforme en «A ou B», autrement dit que la limace panique seulement si l’un des deux motifs de fuite en avant apparaît seul. Pour cela, le plus simple, en imaginant que la nature privilégie les solutions les plus simples, serait que les entrées, les dendrites, limitent l’énergie à transférer vers le neurone de telle manière que ni A ni B ne peuvent apporter individuellement assez d’énergie pour activer C.

Si l’on avait en plus l’équivalent d’un signal «Non», notre neurone aurait les fonctions logiques de base en plus de la propriété de diviser les fréquences. C’est le début de tout circuit logique. Mais comment provoquer un signal pour quelque chose qui n’existe pas?

Non!

Le système nerveux ne comporterait que des machinistes qui appuient sur l’accélérateur ou le frein, tirent à hue et à dia, déclenchent les activateurs ou les inhibiteurs… Mais, aucun ne joue avec des non-accélérateurs ou des non-freins, en «tirant» les pédales vers lui.

Un muscle peut recevoir l’ordre de contraction ou pas d’ordre, mais pas de contre-ordre. Pour enclencher un mouvement opposé, il faut une contraction antagoniste. Cela peut conduire aux quatre situations: action dans un sens, actions dans l’autre, relaxation et tension. La logique «binaire» du neurone se résume à un message à transmettre ou pas. À la place du «NON», le cerveau utilisera un système d’antagonismes. Les briques élémentaires du cerveau le poussent à agir, à aller de l’avant, à être en quelque sorte «agressif» pour satisfaire son plaisir, sa motivation, son moteur, ou sa fuite.

Ainsi, notre limace qui avance pour manger réagira en fonction de diverses mesures comme: j’ai faim, c’est bon, ça me fait mal. La première information imposera à notre limace d’avancer en quête de nourriture, le deuxième de manger, le troisième de fuir sans manger…

Ne pas faire quelque chose, comme «ne pas manger», impose l’existence d’un «NON» dans le jeu d’instructions pour aller à l’encontre de la programmation initiale, l’instinct. Serait-ce le début de la notion de volonté, voire de conscience? En effet, comment interpréter le fait par exemple de recevoir simultanément l’ordre de manger, car c’est bon, en même temps que celui de ne pas manger, car c’est dangereux? Ne se retrouve-t-on pas dans le cas similaire à l’addiction qui impose l’absorption d’un aliment toxique alors que la raison essaie de dire non?

Si la fonction logique semble pauvre, elle est fortement compensée par la richesse de l’entrée. Les très nombreuses dendrites permettent de très nombreuses combinaisons, dont celles pondérant les informations en entrée. En effet, dans l’hypothèse d’un seuil limitant l’énergie transférable du dendrite vers le corps du neurone, on peut facilement obtenir un modèle de neurone formel.

Par contre, autant le neurone semble doué pour recevoir plusieurs messages, autant il ne semble pas doué pour le diffuser à de nombreux récepteurs, surtout distants les uns des autres. En fait, il peut compenser ce handicap en régulant une «soupe», sang, sève, lymphe… qui se chargera de «broadcaster» les «instructions».

L’avantage d’une «soupe» est d’entretenir un automatisme sans intervention directe d’un «cerveau». La différence se traduirait par le fait que le cerveau lui donne «sciemment» des ordres alors que la soupe entretiendrait un état. En simplifiant, on pourrait dire que la faim est soit toujours présente, soit consécutive à un ordre résultant d’une mesure effectuée sur l’organisme comme une jauge à carburant qui allumerait une alerte. S’il s’agit d’un ordre, l’absence de signal correspond à un «NON», mais s’il s’agit d’un état, il faut un signal explicite d’inhibition. Un signal explicite est la seule chose que peut transmettre le neurone. Ce dernier pourrait donc agir sur un organe altérant la «soupe» pour inhiber ses fonctions normales. Combien de temps? Peut-être tout simplement est-ce un équilibre chimique qui se restaure spontanément. Un peu comme si la notion de fuite sans manger en cours de route se réalisait par un déséquilibre favorisant la fuite au détriment de l’appétence. La fuite va brûler des ressources de la soupe rétablissant l’équilibre normal: notre limace sera stressée pendant toute cette période de déséquilibre. Pendant ce retour, les neurones continuent leur travail de détection et de mesure du temps écoulé jusqu’au retour de l’équilibre, ainsi, encore une fois l’évènement est mémorisé avec sa fréquence et sa durée.

Le pari de l’interpolation

Tous les moyens décrits précédemment ne servent toujours à rien s’ils ne contribuent pas à l’intelligence. Ils améliorent la mémoire par la classification, la synthèse, le filtrage et les automatismes adéquats pour répondre rapidement à une incitation, mais l’intelligence c’est aussi prévoir avec le plus de fiabilité possible.

L’extrapolation est souvent utilisée mathématiquement pour prolonger une courbe connue expérimentalement sur certains tronçons, mais il est impossible de prédire que le comportement d’une courbe prévue ainsi sera toujours correct dans les zones non expérimentalement vérifiées. De toute manière, toute prédiction est un pari. Pratiquement, l’intelligence semble plutôt fonctionner dans le mode d’interpolation, c’est-à-dire un système qui consiste à emmagasiner des «tronçons» de scénario de référence qui peuvent être rejoués quand une situation analogue se produit. Il y a donc deux comparaisons de modèles préexistants, un peu comme si l’on testait des pièces de puzzle.

En même temps, ces tronçons d’expériences vont s’accompagner de valeurs, gratifiantes ou néfastes, que les souvenirs viendront piocher dans la mémoire. Le fait que ce morceau de souvenir soit agréable ou non va modifier le choix de l’étape suivante. Par exemple, en voyant un visage inconnu, on pourrait dire qu’un type de nez évoque statistiquement plus de satisfaction donc va être attirant sauf si, toujours par exemple, tel type de bouche avec tel type de sourire évoque plutôt de mauvais souvenirs, modifiant ainsi un premier mouvement de sympathie en antipathie. Le cerveau ne se gêne pas pour faire des délits de faciès, car sa mission première est d’éviter tout désagrément de l’être qui le possède.

De la même manière que le cerveau va piocher dans sa mémoire les patrons correspondant à des situations, il peut par la suite piocher des comportements adaptés à la situation qu’il est en train d’analyser. Ces séquences enregistrées sont en quelque sorte une boîte à outils qui s’enrichit, certes par l’expérience, mais surtout qui se perfectionne par la répétition. La rapidité et la précision de l’exécution de cette chaîne de commande s’améliorent par l’entraînement, d’où l’importance de l’acquisition de réflexes par le «rabâchage», souvent rejeté avec mépris comme étant a priori opposé à l’intelligence et donc à la créativité. C’est oublier que la créativité a toujours besoin d’une base stable pour mieux rebondir.

La pondération

Ces «boîtes à outils» utilisées pour l’extrapolation vont s’appuyer sur ces tronçons d’expériences évaluées comme gratifiantes ou néfastes. La rétroaction cybernétique du cerveau va pondérer la «valeur» du tronçon assimilé, mais il ne s’agit probablement pas d’une moyenne mathématique. En effet, tout semble montrer qu’il y a un poids supérieur accordé au néfaste, ou généralement au désagréable. C’est tellement pressenti ainsi que parmi les émotions dites de bases, il n’y en aurait qu’une qui est positive. Les recherches actuelles ne semblent pas contredire ce déséquilibre en faveur du désagrément. On peut penser que cela se justifie par la simple logique de l’être vivant primaire: «pour profiter de la vie, il faut d’abord commencer à rester vivant». Donc, il faut écarter le désagrément d’une manière ou d’une autre en usant de divers artifices: destruction, fuite…

La pondération pourrait jouer sur les sympathies et antipathies. La reconnaissance d’un être (on peut facilement inclure les animaux, voire les plantes et, même, tous les environnements) se fait à partir de «tronçons» de connaissances. Courbe du visage, position du nez, forme de la bouche, couleur de cheveux, taille du corps, voix… tout. Toutes ces briques sont pondérées et peuvent intervenir dans le sentiment de premier abord avant même d’avoir eu un échange quelconque. Ce sentiment peut même s’amplifier par l’apport de briques n’appartenant pas à la physiologie, comme des vêtements, décorations diverses, tatouages, parures… Si l’habit ne fait pas le moine, il pèse aussi dans l’évaluation du cerveau, qui reconnaît l’uniforme de l’autorité, le sex-appeal, le guerrier, l’ennemi… Les faits sont autant de «tronçons» d’expérience qui vont venir renforcer ou invalider les premières estimations. Il est important de comprendre qu’à ce niveau il n’y a pas la moindre «éthique»: le rôle du cerveau, en première évaluation, consiste juste à dire: «attention! Les êtres munis des caractéristiques que je capte sont probablement amicaux ou néfastes» ce qui engendre sympathie ou antipathie spontanée à la tête du client.

Il y a deux cas (au moins) où le cerveau obtient une appréciation neutre. L’inattendu, le flou d’une situation. Le premier est évident puisque, s’il n’y a encore aucune corrélation avec les expériences vécues, il ne peut y avoir de jugement. Quant au doute, il persiste tant que la pondération entre l’agréable et le désagréable n’aboutit pas à un choix franc. En général, c’est parce que les pertes semblent trop élevées, quel que soit le choix, et qu’aucune gratification ne semble largement l’emporter. Cela pourrait conduire à une sidération, mais, est-ce souhaitable? On peut se demander si le cerveau ne possède pas un moteur qui nous pousse de l’avant dans tous les cas de figure vers l’«aventure», et qui force à aller de l’avant, même si l’on tourne en rond.

Souvenirs

Parler de mémoire, c’est parler de persistance dans le temps. Les neurones participant à la mémoire doivent donc pouvoir enregistrer l’information pendant un certain temps. Or cela impose d’entretenir le système, donc c’est une dépense d’énergie, car les neurones ne sont pas des pierres sur lesquelles on grave un message «pour l’éternité», mais plutôt comme certains types de mémoires informatiques qui requièrent d’être alimentés en énergie.

Que se passe-t-il quand un souvenir est perdu?

Le cerveau aurait-il en horreur le vide? Sécrèterait-il une «émotion» particulière: le dépit ou la frustration de ne pas aboutir à un résultat. Cette émotion est particulière, car c’est peut-être elle le véritable moteur de créativité. Parmi ces émotions liées à la non-information, il en existe deux particulières: le manque d’information ou d’intérêt et l’oubli.

L’absence de signal est «électroniquement» difficile à manipuler dans le cerveau. Autant le «non» peut être associé au signal «pas gratifiant» et en général à la relation «logique» d’opposition, autant le «vide» n’est pas physiquement interprétable. Cela se traduit souvent dans le langage courant: dire «ce n’est pas blanc» et rarement compris comme «donc cela pourrait être vert». De même, quand on dit «je n’aime pas les glaces à la vanille», c’est toujours interprété dans le langage courant «je déteste les glaces à la vanille», alors que la logique devrait conduire aussi à penser: «je ne cours pas après les glaces à la vanille, mais je peux la manger sans vomir si l’on m’en donne une». Cette gymnastique est même exploitée dans la double négation pour embrouiller ou pour ne pas brusquer comme dans la courtoisie japonaise qui utilise souvent des tournures comme: ne pas faire ceci n’est pas bien. L’absence d’information peut même troubler le cerveau qui peut créer aussi bien des membres fantômes que de souvenirs inventés. Dans certains cas, le manque et la perte peuvent être ressentis, non pas en tant que signal, mais en tant que projection ou extrapolation.

Enfin, il y a peut-être un mécanisme qui mesure la dérive d’une moyenne. Lorsque le cerveau est «habitué» à recevoir périodiquement un certain type de réponse, et que cette réponse se fait plus rare, les mémoires temporisées peuvent indiquer la variation dans le temps, provoquant ainsi une alerte, une inquiétude. C’est peut-être ce type de fonctionnement qui intervient aussi bien dans l’addiction que dans la résistance au changement. Il faut noter au passage que l’«électronique» du cerveau n’est pas étalonnée comme un ordinateur: son temps est biologique et relatif à l’être qui le soutient. Cela peut être très utile quand l’environnement mémorisé subit des modifications partielles.

Éducation et enseignement

Il ne faut pas confondre éducation et enseignement, et par conséquent faire de l’enseignement à la place de l’éducation.

Un exemple d’éducation par rapport à l’enseignement est la manière dont on enseignerait la physique en tant que science.

L’enseignement universitaire apprend à maîtriser les fondements et une branche spécialisée de la physique avec son arsenal de connaissances mathématiques. L’enseigner dans les premières études scolaires sous cette forme est vain, voire contre-productif, car cela pourrait entraîner un dégoût qui rejetterait par la même occasion la philosophie qui se dégage de cette connaissance. En effet, la physique sert autant l’ingénieur que le philosophe, car il peut apporter à ce denier les lois de l’univers qui conforteront certaines de ses bases, comme la notion de causalité. C’est aussi une école d’humilité, une voie vers la lumière sans doute à jamais inaccessible, fort heureusement d’ailleurs… En fait, on pourrait s’initier à la physique très tôt, mais sans mathématiques, uniquement en observant et constatant des relations. Pourquoi est-ce plus efficace de tenir la pelle ou le marteau ainsi? Pourquoi est-ce mieux d’être balancé avec un certain rythme à la balançoire? Etc. Alors après, plus tard, il peut devenir intéressant de formuler des lois et de les voir sous l’angle des mathématiques. Apprendre à observer et à extraire des relations contribue à faire un cerveau bien fait plutôt que bien plein.

L’éducation a un rôle important dans la consolidation de la partie médiane entre la base et le sommet de la pyramide du cerveau. Elle est censée apprendre à exploiter ce qu’on est et ce qu’on sait pour mieux profiter de ce que l’on vivra. Cette zone à mi-chemin entre les instincts est probablement le système d’exploitation (operating system) qui relie l’utilisateur, la conscience, et le matériel (hardware) de la machine, son corps et tous les signaux échangés avec le cerveau. Elle accède aussi à tout le savoir accumulé et réparti dans toute la masse, des mémoires vives, fugitives et limitées en volume de stockage, aux bases de données géantes aux multiples liens. Et par la même occasion, on pourra mieux le partager et récolter ensemble les fruits que l’intelligence aura engendrés.

L’éducation s’accompagne toujours d’entraînements. Cela va entre autres servir à fortifier le surmoi pour gérer les émotions qui l’emportent sur la logique et aveuglent. L’entraînement et la répétition qui s’y associe contribuent à graver des raccourcis ou des voies privilégiées dans la masse mémorielle.

L’entraînement

L’entraînement a deux avantages: la rapidité de réponse à une demande qui peut être urgente et le renforcement d’une extrapolation pour favoriser les choix vers ce qui est supposé être gratifiant.

Mais, qui dit «entraînements», dit «répétitions», et souvent «discipline». Or, cette dernière contrainte est de plus en plus vécue comme un liberticide et non comme la mise en place d’un système rapide peu coûteux pour satisfaire des priorités. Bien sûr et comme toujours, tout excès est nocif. Si la répétition devient exagérément forcée, elle ne fortifie plus le cerveau, mais l’écrase dans un moule. Et la voie du milieu, si elle est conseillée, ne s’enseigne pas puisqu’elle se découvre à chaque pas.

L’entraînement sert aussi à maîtriser les flambées de l’émotion. Il ne s’agit pas d’étouffer cette dernière, ce qui risque de la rendre encore plus explosive et, parfois, destructrice. L’émotion, ce sont les propulseurs auxiliaires (boosters) d’une fusée. Une fois décollée, il faut la piloter vite et bien pour qu’elle garde la bonne trajectoire!

Parmi les émotions, il y a celles qui sont engendrées par un danger pour soi, pour autrui. Souvent, l’urgence ne permet plus de prendre le temps à chercher la meilleure solution. Il faut dérouler un mécanisme connu par cœur, comme les secouristes, les pompiers, etc. Non seulement le déroulement doit éviter de perdre du temps, mais aussi de provoquer des erreurs dans l’affolement.

Et même dans les gestes et rapports quotidiens, l’entraînement est indispensable. Faut-il chercher à chaque idée le mot qui lui convient et ensuite la grammaire à utiliser pour que l’autre comprenne le message que le balbutiement rendra inintelligible?

L’entraînement crée donc plusieurs voies privilégiées dans le cerveau. Probablement comme un chemin ionisé qui prépare la trajectoire de la foudre, mais sans doute aussi avec une catégorisation interne qui gèrerait les accès favoris, ou encore la mise en cache d’une action. Tout cela doit lui permettre de ne pas perdre de temps à fouiller et trier partout dans le savoir accumulé du cerveau, et ainsi se concentrer sur ce qu’il y a à faire.

Gérer la priorité des interruptions.

Toutes les routines de comportement et de pensée automatisées doivent se lancer à la demande, car cela peut réduire la vigilance si la tâche est complexe. Peut-être que d’autres tâches sont réactivées périodiquement aussi. Il pourrait s’agir d’autotests vérifiant le bon fonctionnement de l’organisme. Quoi qu’il en soit, le cerveau doit pouvoir sortir de son état courant et interrompre ses activités s’il y a une urgence. Cette gestion est connue en informatique et est gérée par les moniteurs de systèmes temps réel et de systèmes embarqués. Ces moniteurs ont pour mission de surveiller l’état du matériel en même temps que l’action à mener. Ils s’appuient sur toute une collection de signaux lui informant l’activité et les mesures captées par différents senseurs. Un coefficient de pondération est attribué en dur dans sa mémoire au signal en fonction de son origine et son volume. Si l’importance du signal est supérieure ou capitale, il y a interruption de toute tâche en cours, sinon les informations fournies par le signal sont rapidement stockées en mémoire courte avant de reprendre la tâche interrompue. L’information stockée sera exploitée dès que le niveau d’urgence le permet.

Il est fort probable que les «circuits» profonds de notre cerveau ait ce genre de structure. Et, on peut se poser la question de ce qui se passe lorsque le cerveau est en état de stress. Que deviennent les routines qui assurent le fonctionnement normal du corps? Qu’en est-il si le stress devient permanent? Cela aussi peut être résolu dans les moniteurs qui, en fait, dans tous les cas de figure, sont les maîtres des horloges, car il faut que le système embarqué accomplisse coûte que coûte toute sa mission. Par contre, dans l’organisme vivant, il semble que la seule parade trouvée soit la fuite dans un refuge pour supprimer l’arrivée incessante de signaux d’alerte. Sinon, la maintenance de l’organisme n’étant plus assuré, peu à peu il se détruit.

Comparer des expériences

L’une des tâches les plus délicates de l’intelligence est de pouvoir comparer des données. En quelque sorte, il est fréquent dans une machine informatique d’utiliser pour cela des mémoires rapides qui vont balayer le contenu de deux paquets d’informations. S’il faut balayer toute l’information stockée dans les deux paquets, cela peut prendre du temps. Alors, il arrive très souvent que ces données soient simplifiées au maximum comme si l’on utilisait soit des abréviations comme des acronymes ou des fonctions de hachage. Mais ces dernières serviraient plus à vérifier des différences que des similitudes.

Comment se fera le résumé? En suivant l’hypothèse que la mémoire grave d’autant plus profondément l’information que celle-ci se répète avec certaines périodicités, on peut penser que de nombreuses informations vont disparaître, si elles ne sont pas assez répétitives dans l’enregistrement des événements et des apprentissages.

Les traits de mémoire enregistrés seront classés dans trois groupes: un groupe gratifiant, son contraire et les données très fréquentes. Les deux premiers groupes indiqueront un plaisir attractif ou une menace à fuir, à écarter. Le dernier groupe n’existera qu’à cause de la répétition, et n’aura d’intérêt que si l’absence d’un événement attendu est détectée, mettant le cerveau en quelque sorte en vigilance.

Un cinéma dans le cerveau

Souvent, on croit que la mémoire a horreur du vide. Mais si le vide était une puissance maîtrisée du cerveau pour pouvoir stocker beaucoup d’états? Si le cerveau faisait comme dans un film sur pellicule qui projette 24 images par seconde. Entre chaque image, il y a rien que le souvenir (rétinien) de la dernière image. Mais en informatique, on peut aller encore plus loin pour réduire les données à mémoriser plus dans un minimum d’espace. Cette technique est par exemple fréquemment utilisée dans les images GIF, qui ne mémorisent que ce qui a changé d’une image à l’autre.

Par exemple, si l’on a un rectangle rouge qui se déplace de gauche à droite sur un tapis vert, à chaque intervalle de temps, le cerveau va mémoriser qu’un rectangle vert remplace le rouge de la gauche du carré, et qu’un rectangle rouge vient de remplacer du vert à sa droite. Le milieu du carré et le reste du tapis vert ne seront pas mémorisés puisque rien n’y aurait changé.

Les rythmes musicaux

Nos neurones auraient donc une caractéristique importante dans notre cerveau: la gestion de l’horloge interne. Eux-mêmes se comporteraient comme de «mini horloges» pour garder en mémoire les données les plus importantes. Est-ce que ce jeu de rythme n’aurait pas une conséquence dans notre sensibilité aux rythmes variés de la nature et en particulier les rythmes musicaux? Comment se fait-il que nous ressentions joie ou tristesse, énervement ou sérénité en écoutant des sons? Serait-ce des résonances avec des harmoniques internes du cerveau? Peut-être une piste intéressante à étudier.

Comment se fait-il qu’il y ait des rythmes guerriers, des mélodies tristes… presque identiquement ressenties dans toutes les cultures?

Comment se fait-il que l’on trouve des similitudes d’harmonies et de ressenti entre des musiques qui peuvent venir de tous les coins de la planète?

Et pourquoi ces musiques se communiquent-elles au corps, le poussant à danser, et parfois se contorsionner?

Les rythmes et la mesure du temps, de la fréquence acoustique jusqu’aux longues périodes annuelles, sont-ils la base de la gestion de notre cerveau? Sont-ils les horloges du «moniteur temps réel» au cœur d’un ordinateur? Ou faudrait-il dire d’«ordonateur», d’«ordonanceur»? Quel mécanisme serait derrière tout cela?

Si l’on tient compte de l’économie réalisée par l’image du cinéma ou du fichier GIF, on peut penser que la même chose existe au niveau du son. En effet de la fréquence pure produite par une onde sonore jusqu’au dialogue dans la pensée ou l’écoute des informations issue de n’importe quelles sources, il y aurait des milliers de données à enregistrer. Et en plus, il faut très rapidement les trouver quand on en a besoin.

Tout d’abord, il est facile de remarquer que peu de gens, même parmi les musiciens, ont l’oreille absolue. Chez ces derniers, c’est moins de 20% qui ont cette faculté, et c’est bien en dessous de 1 pour mille pour toute la population. Le cerveau a besoin de comparer les sons à une référence, comme le fameux «la» du diapason. Mais cela ne suffit pas pour réduire le stock d’informations. Il faut aussi classer les sons émis par l’humain dans la communication verbale. Le cerveau va devoir décortiquer et catégoriser ces bruits. Pour cela, on a créé ainsi des syllabes composées de voyelles et de consonnes. Et lorsque l’on écoute quelqu’un étranger à notre environnement culturel, comme la prononciation et l’accent peut perturber la compréhension! Les raccourcis du cerveau ne fonctionnent plus comme prévu.

Ces ensembles de signaux vont donc constituer des mots, qui eux même seront stockés dans le vocabulaire. Puis il y aura des expressions, des tournures… Comprendre le langage en soi, c’est déjà toute une musique. Pour peu qu’il soit associé au langage non verbal, on pourrait même parler de cinéma.

Mais là aussi, il faut comparer au travail informatique du traitement de l’image et du son. Tout d’abord, on constate que la gestion des images et celle du son ne répondent pas aux mêmes contraintes. Par exemple, si le flot d’images est interrompu pendant un certain temps, en général l’observateur n’est pas trop perturbé et il se ressaisit dès que le flot reprend. Par contre si le son s’arrête pendant ce même laps de temps, le message devient rapidement incompréhensible. Il semble donc que le temps est d’une importance capitale pour comprendre.

La mémorisation du cerveau semble donc fonctionner sur la base d’une analyse spectrale. Mais les basses fréquences semblent plus proches de la conscience à tel point qu’on peut avoir l’impression que les autres fréquences n’existent plus. C’est comme le géographe qui voit des villes sur sa carte, l’urbaniste qui voit des maisons, l’architecte qui voit des murs, le maçon qui voit des briques, le chimiste qui voit de l’argile, le physicien qui voit des particules, mais tous ces experts ont-ils la vision de l’étage supérieur ou de celui qui est tout en bas? Quel savoir est enterré dans notre «subconscient»?

La conscience

Et la conscience dans toute cette machinerie? Si ce merveilleux cerveau était l’équivalent d’un ordinateur, alors dans cette dernière machine où serait la conscience s’il fallait en mettre une? En d’autres termes, quelle serait et où serait la conscience d’un androïde intelligent au sens biologique du terme? Au sens humain du terme?

La conscience est un domaine passionnant, mais encore en plein débat scientifique, sans compter les débats philosophiques et religieux. Par contre, on peut prendre le problème par un tout autre bout: l’IA. Souvent, l’informatique a servi de «modèle» pour simuler et comprendre des sujets complexes. Cela peut aller de l’équilibre écologique d’espèces en concurrence jusqu’à la répartition des particules élémentaires produite en avalanche par des rayons cosmiques. Le biomimétisme permet de reproduire artificiellement certaines «qualité» de la nature, la bionique est l’une de ses disciplines. Et l’avantage n’est pas seulement la construction de machine imitant la nature. En effet, les échecs ou les victoires de l’imitation ont un effet rétroactif sur la compréhension même de la biologie. Chaque science propulse l’autre en avant.

Que constate-t-on en candide observateur dans la pensée?

Il y a en effet divers états apparents tant en fonction de la tâche que des perceptions internes. Il y a la concentration qui peut être très visuelle, la réflexion analytique qui, elle, est plus souvent auditive, il y a la rêvasserie, la méditation, l’autohypnose, le rêve, dont le cauchemar très «immersif» drainant les émotions et tous les sens, et enfin, le trou noir… l’absence apparente de conscience. Ces différents états pourraient être associés aux différents comportements d’un ordinateur, de l’activité à la veille, voire l’hibernation. Déjà, il faut noter qu’entre ces trois états il y a des notions d’économies d’énergie.

Peut-être que la conclusion se trouverait au bout du tunnel de l’EMI (Expérience de mort imminente). Mais peut-être qu’en attendant, il y a encore tellement à apprendre de l’Univers.

Et qui sait, un jour, on découvrait que la graine de vie et de l’intelligence est déjà présente dans des particules élémentaires…

Serge Jadot

Note

↑1 :Cerveau triunique et système limbique : ce qu'il faut jeter, ce qu'on peut garder

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«Les champs de signes», dernier romans de «Hôdo, la légende» est une vulgarisation poétique de la physique, du cosmos aux particules élémentaires en passant par les cellules vivantes, dont les neurones, et d’autre part, une fable, une allégorie autour de l’intelligence humaine ou non, intime ou collective.
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